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Quatre lois en cinq ans ; des dizaines d’heures de débat au Parlement : la récidive n’en finit pas d’être un casse-tête pour le législateur. Et évidemment un drame pour les victimes de récidivistes, surtout les criminels sexuels ou les auteurs d’actes de torture ou de barbarie. Aussi l’Assemblée nationale vient-elle de voter, les 17 et 18 novembre, dans un climat parfois tendu, un projet de loi présenté par Michèle Alliot-Marie, destiné à lutter contre les risques de récidive.
Le 17 novembre dans la soirée, lorsqu’elle monte à la tribune de l’Hémicycle, la garde des Sceaux donne le la de son projet en rappelant un fait divers dramatique, qui une fois encore vient de bouleverser le pays : « Il est insupportable pour tout le monde qu’une femme ait pu trouver la mort en croisant sur son chemin un violeur récidiviste à peine sorti de prison. » Un silence rempli d’émotion envahit l’Assemblée. La ministre vient d’évoquer la fin d’une joggeuse de 42 ans, Marie-Christine Hodeau, enlevée et tuée dans les bois, à Milly-la-Forêt. Le suspect avait déjà été condamné, en 2002, à onze ans de réclusion criminelle pour un viol commis sur une fillette de 13 ans en 2000.Par le jeu des remises de peine, l’homme avait été libéré en 2007…
Évaluer en priorité la dangerosité des délinquants
Quelques instants après l’intervention de la ministre de la Justice, Brigitte Barèges, députée UMP du Tarn-et-Garonne, rappelle quelques statistiques officielles. Pour la seule année 2008,martèle l’élue, l’autorité judiciaire a constaté 2,6 % de récidives en matière de viols et 4, 5% de récidives en matière de délits sexuels.Soit 43 viols et 467 délits sexuels pour lesquels les auteurs ont été condamnés.
La mort tragique de Marie-Christine Hodeau et ces statistiques imposent aux yeux du rapporteur du projet de loi Jean-Paul Garraud député UMP de Gironde, de renforcer l’arsenal juridique existant. Prenez le cas de la surveillance de sûreté. Selon la loi du 25 février 2008, un détenu en fin de peine peut se voir imposer un suivi sociojudiciaire et un certain nombre d’obligations. Dans la ligne de mire: les personnes présentant « une particulière dangerosité, caractérisée par une probabilité très élevée de récidive ». Cette surveillance pouvait s’appliquer aux condamnés à des peines supérieures à quinze ans.Le seuil vient d’être ramené à dix ans…
Une façon d’élargir le cercle des récidivistes susceptibles d’être concernés.
Soucieux de balayer aussi largement que possible le spectre de la récidive, les députés ont également adopté la création d’un fichier destiné à évaluer la « dangerosité » d’une personne. À dire vrai, il s’agit plutôt d’un répertoire qui recense non seulement les données personnelles du condamné (procédures judiciaires notamment) mais aussi les diverses expertises psychiatriques ou psychologiques auxquelles il a été soumis.
Deuxième nouveauté, à laquelle tenait la garde des Sceaux : le retour en prison pour toute personne qui, en fin de peine, interromprait ou refuserait un traitement visant à faire disparaître sa libido – un traitement appelé improprement castration chimique.Ultime nouveauté : désormais, au sortir de prison, le délinquant sexuel aura l’interdiction formelle de résider dans le périmètre d’habitation de sa victime. En cas de non-respect de cette obligation, le contrevenant pourra être arrêté par la police ou les gendarmes qui devront le présenter dans les vingt-quatre heures à un juge, lequel aura la possibilité d’incarcérer le récalcitrant…
On le voit, ce texte sur la récidive, s’il paraît extrêmement répressif, est dans la moyenne des législations européennes. Heureusement, ni la garde des Sceaux ni l’Assemblée nationale n’ont envisagé d’explorer, même de façon allusive,la voie de la castration physique.
Reste une question clé : cette nouvelle loi sera-t-elle efficace ? Probablement oui,si les moyens humains suivent. Or, à ce jour, la France ne compte que 350 juges d’application des peines pour gérer 250000 dossiers ! Et, selon le député PS de Paris Serge Blisko, 213 postes seulement de médecins coordonnateurs sont pourvus alors qu’il en faudrait 500… Comment, dans ces conditions, concilier défense de la société et individualisation de la peine ?