
Le dernier décompte des ours dans les Pyrénées est sans appel : 64, dont 16 oursons ont été recensés en 2020 contre 52 en 2019, sur les deux versants.
Voici un bel exemple de coopération trilatérale en la France, l’Espagne et Andorre, 25 ans après la décision controversée de réintroduire des ours prélevés en Slovénie pour endiguer la disparition progressive de l’espèce dans nos montagnes.
Cette affaire fut passionnelle. On se souvient encore du lyrisme inimitable des articles du romancier Christian Laborde dans L’Idiot international du regretté Jean-Edern Hallier, prenant avec panache la défense de l’animal face aux réticences compréhensibles de nombreux éleveurs inquiets pour leurs troupeaux mais surtout face aux grands travaux menaçants les équilibres environnementaux dans certaines vallées pyrénéennes.
L’ours fait partie intégrante de la culture pyrénéenne, de l’imaginaire occitan. Il a imprégné durant des générations la vie des gens d’ici. Il a longtemps été sur les routes de France l’ambassadeur vivant de nos montagnes auprès des enfants (et des grands), émerveillés autant qu’effrayés par ces plantigrades voyageant de ville en ville. Il fut même parfois un acteur des querelles français : en Ariège, à Cominac, le 6 mars 1906, en pleine crise des Inventaires consécutive à la séparation des Eglises et de l’Etat, on vit trois ours menés par des montreurs aux larges bérets protéger l’église du village du receveur de l’Enregistrement. Les cartes postales firent passer l’affaire à la postérité.
On n’efface pas comme cela de l’inconscient collectif un marqueur culturel tel que l’ours. C’est bien cette mémoire de nos vallées qu’il s’agit aujourd’hui de sauver et de perpétuer plus encore qu’une espèce qui, à l’échelon continental, n’est pas menacée. Il s’agit donc dans ce dossier de veiller scrupuleusement au respect de la vie pastorale. Plus que l’ours, et ses prédations dans les troupeaux, j’ai la certitude que ce sont les provocations de certains donneurs de leçons écologiques qui ont heurté les consciences paysannes. La clef de l’avenir de la ruralité, c’est le partage d’un écosystème par les usagers de la nature dans le respect de la diversité animale et végétale. Le maintien d’une agriculture pastorale est aussi important que la sauvegarde des ours des Pyrénées. La passion de l’animal sauvage doit se concilier avec les impératifs humains. Depuis nos villes, il est trop facile de passer par pertes et profits la vie quotidienne d’hommes et de femmes qui entretiennent nos paysages sauvages et produisent une alimentation de qualité.
C’est en gagnant l’assentiment des populations rurales que la survie de notre cher plantigrade sera assurée, pas en devant compter sur les seules injonctions des ministères et les pénibles diktats d’animalistes intégristes vivant bien au chaud dans leurs appartements citadins. L’ours a toute sa place dans notre belle région d’Occitanie à condition que ses défenseurs n’oublient pas l’homme sans qui cette nature sauvage ne pourrait plus être contemplée, méditée et célébrée.